PROULX, JEAN-BAPTISTE (il signa des œuvres sous le pseudonyme de Joannes Iovhanné), prêtre catholique, professeur, rédacteur, administrateur scolaire et auteur, né le 7 janvier 1846 à Sainte-Anne-de-Bellevue, Bas-Canada, fils de Jean-Baptiste Proulx, dit Clément, et d’Adéline Lauzon ; décédé le 1er mars 1904 à l’Hôpital Général d’Ottawa et inhumé le 5 à Saint-Lin, Québec. Jean-Baptiste était un descendant de la lignée de Jean Baptiste Préaux & Marie Catherine Fleury.
Après ses études classiques et théologiques au petit séminaire de Sainte-Thérèse (1857–1865), dans le Bas-Canada, et un bref séjour à Charlottetown pour cause de maladie, en 1868, Jean-Baptiste Proulx est ordonné prêtre à Montréal, le 25 juillet 1869, par Mgr Ignace Bourget. D’abord professeur de rhétorique au petit séminaire de Sainte-Thérèse en 1869–1870, il sert comme missionnaire au Manitoba de 1870 à 1874. Revenu au Québec, il est successivement aumônier des Sœurs marianites de Sainte-Croix à Saint-Laurent, dans l’île de Montréal (1876–1877), professeur de lettres (1877–1884) et préfet des études (1883–1885) au petit séminaire de Sainte-Thérèse, chapelain à Sainte-Darie, la prison des femmes à Montréal (1884–1886), curé de la paroisse Saint-Raphaël-Archange de l’île Bizard (1886–1888), puis à Saint-Lin (1888–1904). Nommé vice-recteur de l’université Laval à Montréal en 1889 avec le titre de docteur ès lettres, il confie sa cure à deux desservants. Après sa démission comme vice-recteur en 1895, il se retire à Saint-Lin. Il a été nommé chanoine honoraire de la cathédrale de Montréal en 1878 et – sans qu’il soit possible de le confirmer – camérier secret du pape Léon XIII.
Au cours de l’été de 1881, Proulx accompagne pendant 30 jours l’évêque d’Ottawa, Mgr Joseph-Thomas Duhamel, dans sa visite pastorale du haut Outaouais et relate son voyage au vicaire général Joseph-Onésime Routhier (frère de sir Adolphe-Basile Routhier) sous forme de lettres : il y décrit le travail quotidien des missionnaires, les mœurs des Amérindiens, se montre curieux de la nature et friand d’anecdotes. En 1884, il répète l’expérience en accompagnant, cette fois, pendant 64 jours, la plupart du temps en canot, le vicaire apostolique de Pontiac, Mgr Narcisse-Zéphirin Lorrain, dans ce qui est aujourd’hui le nord de l’Ontario, de Mattawa à la baie d’Hudson. Vingt-quatre lettres, adressées au curé Dosithée Leduc, de Chapeau, en font le récit, dans la même veine que le premier. Il effectue son troisième grand voyage à titre de secrétaire du curé François-Xavier-Antoine Labelle, en 1885, en Europe (Angleterre, Belgique, Italie, France), dans le but de recruter des colons et de faire connaître le Canada aux Français. Il publiera d’ailleurs, à Paris, une brochure exposant les grandes lignes du programme de colonisation, intitulée le Canada, le curé Labelle et la colonisation (1885), puis une autre, quelques mois plus tard, sous le titre le Guide du colon français au Canada.
Son métier d’éducateur engage l’abbé Proulx à exercer ses talents d’auteur dramatique dans quatre pièces de théâtre, d’inspiration et de facture différentes. La première – qui constitue aussi la première de ses publications –, Édouard le Confesseur, roi d’Angleterre (Montréal, 1880), paraît sous le nom de plume qu’il emploiera aussi à titre de chroniqueur dans les Annales térésiennes (Sainte-Thérèse), Joannés Iovhanné. Cette tragédie en cinq actes exalte les valeurs sacrées de la patrie et de la foi, en proposant le règne exemplaire de saint Édouard le Confesseur aux étudiants des collèges classiques. L’Hôte à Valiquet ou le Fricot sinistre (Montréal, 1881) reprend une légende tirée du folklore et rapportée par Joseph-Charles Taché dans « Forestiers et Voyageurs ; études de mœurs », publiée pour la première fois dans les Soirées canadiennes (Québec), en 1863, dans le but d’inciter les jeunes à la tempérance. Quant à la troisième pièce, le Mal du Jour de l’an (Montréal, 1882), elle présente une comédie sans prétention destinée encore aux élèves du petit séminaire de Sainte-Thérèse, comme l’indique son sous-titre, Scènes de la vie écolière. Enfin, la quatrième, les Pionniers du lac Nominingue (Montréal, 1883), ne laisse aucun doute sur les intentions de l’auteur, comme le sous-titre l’explicite on ne peut plus clairement : les Avantages de la colonisation. Y transpirent également le prosélytisme religieux et la ferveur nationale, en plus de l’éloge de la campagne, généreuse et bonne, opposée à la ville, malsaine et corruptrice. L’action apostolique de l’abbé Proulx revêt donc un caractère à la fois didactique et éducatif.
C’est d’abord au petit séminaire de Sainte-Thérèse que l’abbé Proulx a fait valoir ses talents littéraires. N’avait-il pas été élu président pour l’année 1864–1865 de l’académie Saint-Charles, dont les « membres actifs, selon le chroniqueur Émile Dubois, sont les élèves des classes supérieures qui ont obtenu des succès en littérature » ? Dès 1880, il compose et fait jouer ses pièces de théâtre au petit séminaire et les publie ensuite dans les Annales térésiennes, auxquelles il collabore occasionnellement. Devenu rédacteur de la revue en 1882, il y parsème des poèmes, des « cantates » (au moins 7), une « opérette » en trois parties intitulée « Dierum Laetissima », un acrostiche, trois groupes de distiques « monarchistes », des sermons, des traductions d’hymnes sacrées, en plus de ses chroniques « mensuelles », plutôt irrégulières. Les années 1880 sont ses années d’intense production littéraire. C’est d’ailleurs vers la fin de cette période qu’il fait paraître un roman d’aventures dans le genre édifiant et moralisateur, l’Enfant perdu et retrouvé ou Pierre Cholet (Mile-End [Montréal], 1887), et qu’il publie trois contes dans la Minerve de Montréal (le 9 septembre 1886, le 7 mai et le 9 septembre 1887), après y avoir livré par tranches la relation de son premier voyage à Rome à partir du 21 février 1885.
À la suite de l’incendie du 5 octobre 1881, qui détruit de fond en comble le petit séminaire, l’abbé Proulx devient, selon les propos de l’abbé Dubois, l’âme de la souscription organisée en vue de la reconstruction. Le chroniqueur du petit séminaire vante l’enthousiasme et l’énergie du « bouillant abbé », qui n’hésite pas à faire du porte à porte et à prêcher pour obtenir l’argent nécessaire. Avec les autorités du collège, il surveille les travaux de reconstruction et porte la croix en tête du cortège solennel le jour de la bénédiction de l’édifice.
Nommé vice-recteur de l’université Laval à Montréal en 1889, l’abbé Proulx consacre presque toutes ses énergies à une cause dont on lui avait confié la charge, celle de la « question universitaire » [V. Édouard-Charles Fabre ; Elzéar-Alexandre Taschereau]. Cette question fort controversée lui attire de multiples ennuis et tracas, tant dans le monde religieux que politique, car elle porte sur l’autonomie administrative et financière de l’université Laval à Montréal. Après deux voyages à Rome (1890 et 1892), de fréquentes tractations et des délais répétés, tant à Québec qu’à Rome, il reçoit enfin, le 11 février 1892, l’approbation du Saint-Siège à son projet de constituer en corporation les administrateurs de l’université Laval à Montréal, projet qui est adopté par le Parlement en juin. En réplique à l’Électeur (Québec), qui a exprimé sa jubilation devant son prétendu échec, l’abbé Proulx se défend vigoureusement d’avoir plaidé la cause de l’indépendance de la succursale montréalaise dans Enfin ! ou Cinquième rapport sur sa gestion universitaire […] (Montréal, 1892). Croyant avoir terminé sa mission, il présente sa démission à l’archevêque de Montréal, Mgr Édouard-Charles Fabre, qui la refuse et lui ordonne plutôt de mener à terme la construction du nouvel édifice universitaire, rue Saint-Denis. La chose accomplie, il se retire à sa cure de Saint-Lin, en 1895.
Confiantes dans ses dons de « négociateur », les autorités diocésaines confient à l’abbé Proulx la délicate mission de rencontrer l’évêque de Hartford, au Connecticut, à propos du refus des paroissiens de Danielson (Killingly) de payer leurs bancs en raison de la nomination d’un Français, le révérend M.-Clovis-F. Soquet, comme curé. S’appuyant sur une promesse de l’évêque, ils exigent la nomination d’un curé canadien-français ou la division de la paroisse avec un curé canadien-français à leur tête. Mgr Michael Tierney lui oppose une fin de non-recevoir, tant que les « rebelles » ne se soumettront pas. L’abbé Proulx revient bredouille.
À l’automne de 1896, c’est encore à Proulx, ainsi qu’à Gustave-Adolphe Drolet, ancien zouave pontifical, que fait appel Wilfrid Laurier pour défendre auprès du Vatican le bien-fondé du règlement qu’il négocie avec le gouvernement de Thomas Greenway sur la question des écoles du Manitoba. Laurier, qui vient d’être élu premier ministre du Canada, craint la réaction des évêques catholiques du Québec, lui qui a retardé, quand il était chef de l’opposition, l’adoption de la loi réparatrice qui aurait amené le Manitoba à rétablir le double système d’enseignement public confessionnel, en arguant que la question des écoles devait d’abord faire l’objet d’une enquête et qu’il fallait s’assurer que tous les moyens de conciliation avaient été épuisés. Armé de ses Documents pour servir à l’intelligence de la question des écoles du Manitoba […], publié à Rome en 1896, Proulx dénonce l’intervention du clergé dans les dernières élections [V. Louis-François Laflèche], insiste sur le fait que le règlement est approuvé par la population en général et demande l’envoi d’un délégué apostolique pour juger de la situation. Même si la hiérarchie catholique du Québec dépêche aussi ses représentants pour contrecarrer l’action des deux délégués de Laurier, Rome se rendra finalement à la suggestion d’envoyer un délégué apostolique, en la personne de Mgr Rafael Merry del Val.
Dans sa dernière relation de voyage (Dans la ville éternelle […] (Montréal, 1897), usé par ses multiples travaux et missions, Jean-Baptiste Proulx se décrit ainsi : « 5 pieds et 6 pouces, gros, replet, cheveux grisonnants, frisés, yeux pochés, nez long, se faisant vieux ». Comme le soulignent ses chroniqueurs, entre autres l’abbé Élie-Joseph-Arthur Auclair, ce travailleur infatigable, ce « prêtre à l’esprit clair et au cœur généreux […] est de ceux que l’histoire ne peut, ni toujours, ni longtemps, ignorer tout à fait. Il a trop travaillé – il y a usé sa vie et il en est mort relativement jeune encore – à ce qu’il croyait être le bien et le progrès de sa race pour qu’on persiste à le tenir dans un oubli, que le besoin d’apaisement a pu d’abord expliquer jusqu’à un certain point, mais qui, à la longue, deviendrait injuste et même cruel. »
Gilles Dorion
Ref. : Gilles Dorion, « PROULX, JEAN-BAPTISTE (1846-1904) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 13 févr. 2014, – http://www.biographi.ca/fr/bio/proulx_jean_baptiste_1846_1904_13F.html.
P.S. Une rue à Longueuil porte le nom PROULX en souvenir de ce prêtre.
Source : http://www.toponymie.gouv.qc.ca/ct/ToposWeb/Fiche.aspx?no_seq=288462
Laisser un commentaire